Une voix en or, un interprète hors pair, un comédien incontesté, voici l’histoire du formidable et si fascinant Charles Suberville. Un regard franc et tendre, une allure qui en impose, le verbe toujours alerte pour offrir une anecdote opportune ou une blague de son cru, voici Charles Suberville, de prime abord.
Pourtant, cet homme-là est un géant, l’un des rares qui aiment encore chanter et promouvoir les chansons françaises, à l’ancienne. Chanteur, comédien et poète, il a connu les plus grandes voix dont Jacques Brel, Léo Ferré, Nougaro, pour ne citer que ceux-là. Il retrouvait souvent un certain Michel, le soir, à la fin de sa tournée des cabarets, lorsque celui-ci descendait des marches de Montmartre où il venait de chanter. Il le croise plus tard à l’Olympia et découvre que ce compagnon sympathique, avec lequel il échangeait de façon complice autrefois, est devenu le très renommé Michel Polnareff. Sympathique, oui, car Michel avait toujours un morceau à proposer à Charles. « Tiens, Charly, c’est pour toi », lui disait-il au bon vieux temps, en lui tendant un feuillet sur lequel il avait couché les paroles d’une chanson pouvant lui convenir. Son ancien acolyte, Michel, ne l’oublie pas et l’invite aussitôt à festoyer avec le reste de sa bande, dès la fin du concert dont il est la vedette. Mais commençons enfin par le début.
Jeune, beau et doté d’une voix que l’on reconnaît autour de lui comme étant remarquable, Charles part du sud de la France et monte à Paris, la tête pleine d’envies diverses et de beaux rêves de réussite. Il commence à se faire connaître sous le nom de Charly Brusc, pseudonyme sous lequel il se produisait déjà dans sa région natale. Un ami d’enfance, Gérard Croce, le présente à un pianiste de renom. Celui-ci demande à l’entendre et lui recommande d’essayer les chansons du répertoire de Jean Ferrat, après que Charles lui ait chanté « A la claire fontaine ». Le jeune homme se met à répéter assidûment avec cet accompagnateur au théâtre des Capucines. Non loin de là, se trouve l’Olympia, avec les stars de l’époque en tête d’affiche. Et, bien souvent, en voyant ces grands noms placardés sur la façade du bâtiment abritant cet illustre lieu de divertissement, Charly Brusc se fait la promesse d’y chanter aussi, un jour. Pour subvenir à ses besoins, il décharge des camions aux Halles, en attendant de se faire connaître. Ce qui ne tarde pas. Le jeune chanteur rencontre rapidement Michel Breuzard, musicien et parolier, accompagnateur de Gribouille, qui se met à écrire pour lui, et qui l’accompagne au piano par la suite. Une longue amitié commence avec ce chansonnier.
Le bouche à oreille aidant, Charly se met rapidement à entamer « la valse des cabarets », selon ses propres mots. Il faut dire que l’homme, en plus de sa voix enchanteresse se meut sur scène avec une belle prestance. C’est simple, à travers le chant et par sa gestuelle aussi théâtrale que superbe, Charles hypnotise son public et le transporte vers les sommets où fusionnent les émotions plurielles, exaltantes et si vivifiantes. Jusqu’aux larmes, sans nulle autre arme que celle de l’art d’émouvoir et de réjouir ceux qui se retrouvent en lui à travers ses prestations magistrales, il intrigue et fascine. Il chante parfois à 5 endroits différents en une soirée, la moyenne étant de 3 contrats par nuit. Il est rapidement introduit dans les lieux où les gens se pressent pour entendre les belles voix égayer leurs soirées. Chez Farrugia, au Tire-Bouchon, chez Patachou ou encore à la Croquade. Charly se produit aussi en plusieurs endroits à Saint-Germain, à la Galerie 55, à la Rôtisserie de l’abbaye ou à l’Echelle de Jacob, où il rencontre Joseph Pasquier, le secrétaire particulier de Jacques Brel. Alice, l’épouse de Georges (dit Jojo) devient très vite sa marraine dans le métier. Il se fait connaître aux Femmes Savantes, lieu culte en ce temps. Le chanteur a alors l’occasion de rencontrer beaucoup de monde qui figureront plus tard au nombre des grandes personnalités françaises dont Patrick Sébastien, Pierre Perret et Bernard Lavilliers. A l’époque, Gilou et son petit accordéon accompagnaient Pierre Perret, et occasionnellement Charly Brusc.
En 67, il participe au Palmarès des chansons sur l’ORTF en reprenant des chansons de Ferrat. Charles chantera à l’Olympia à deux reprises, accomplissant ainsi ce vieux rêve, en promesse à ses débuts sur scène à Paris.
Au cours des années 70, Gérard Verchère, lui propose de participer à un show musical qu’il produit au théâtre de la Belle Feuille, ou TBB théâtre Boulogne Billancourt. Mais il lui demande de reprendre son vrai nom pour l’occasion. Charly Brusc est redevenu Charles Suberville depuis lors. Plusieurs rencontres déterminantes viendront enrichir le parcours étonnant du jeune provincial qui voulait vivre de son talent.
Claude Frisoni, alors responsable du service culturel à l’ambassade de France au Luxembourg, le découvre sur scène et ne le lâchera plus. Il fait tout son possible pour le faire connaître partout, au Grand-Duché du Luxembourg, et écrit même une pièce de théâtre axé autour du personnage de Charles Suberville. Cette pièce intitulée « Les derniers seront les premiers » sera jouée au TOL, Théâtre Ouvert du Luxembourg, et y fait un triomphe au cours de chaque représentation.
Marc Olinger, directeur du théâtre des Capucins au Luxembourg, découvre un jour le phénomène Charles Suberville, s’attache aussitôt à lui et l’introduit au TOL, dès l’inauguration de cette salle théâtrale. Il crée sur RTL, pour le chanteur qu’il estime grandement, une émission télévisée sur mesure intitulée : « Charles Suberville chante pour vous ce soir – RTL Théâtre». Emission rediffusée dans les pays limitrophes, dont la Belgique et la France. Plus tard, il lui confie la création et la mise en scène complète d’un spectacle en hommage à Jacques Brel. Charles mène à bien cette mission et engage pas moins de 3 chanteuses comédiennes, 3 comédiens et chanteurs, 4 à 5 danseuses pour la chorégraphie, selon les disponibilités, sans oublier l’orchestre alors mobilisé. Son ami Gérard Verchère participe aussi au spectacle en tant que comédien. Charles met 9 mois pour le montage de ce show dont le succès retentissant confirme également son talent dans ce domaine des arts vivants. Lors de la première représentation, Alice Pasquier, qui figure naturellement parmi les invités d’honneur, est en larmes. Charles chante ce soir-là, entre autres, la fameuse chanson intitulée Jojo, écrite par Jacques Brel pour son ami Georges Pasquier. D’autres spectacles de cet ordre lui ont confiés dont ceux dédiés à Jacques Prévert et à Boris Vian. Charles chante aussi en privé, à la demande, comme c’est le cas pour la famille du Grand-Duc du Luxembourg, qui l’affectionne particulièrement.
Le comédien et metteur en scène Philippe Noesen, également fondateur du théâtre du Centaure et ex-directeur de celui d’Esch sur Alzette au Luxembourg, propose à son tour à l’étoile montante que tout le monde sollicite, dorénavant avec les honneurs, de jouer dans son spectacle « L’égosandwich ». La carrière de Charles Suberville en tant que comédien le conduit au cinéma et, en 1977, il joue dans un James Bond aux côtés du célébrissime Roger Moore qu’il conduit et qu’il aide à s’évader. Le titre de ce film : Moon Raker. Il participe entre autres au tournage du film Dunkerque à la victoire…
Le parcours singulier de Charles Suberville, l’un des rares à pouvoir vivre de la chanson française au Luxembourg où il réside depuis des décennies, bien après ses brillants débuts à Paris, a été émaillé de bien d’autres rencontres tout aussi extraordinaires. L’homme à la voix en or a chanté sur scène avec Demi Roussos au Sofitel du Kirchberg, à Luxembourg-ville en 1995. Le pianiste John Frédéric Lippis a dernièrement écrit pour lui une chanson qui restitue la synthèse sa vie d’artiste. Un artiste-peintre de renom prépare pour 2016 une exposition qui lui sera entièrement consacrée, mais chuuuuut, ceci reste encore un secret qui sera entièrement dévoilé, en temps et en heure.
Malgré son incroyable talent, son palmarès des plus riches et un carnet d’adresses impressionnant, Charles n’en demeure pas moins un homme de cœur. Fraternel, volontaire et si émouvant, il reste aujourd’hui l’un des symboles incontournables de la scène au Luxembourg comme en France, sans oublier l’Allemagne, La Russie et bien d’autres pays d’Europe où il a également effectué des tournées mémorables. Tel est Charles Suberville, l’homme qui investit comme personne les textes des plus grands dont Victor Hugo, Caussimon, Aragon, Dune, Breuzard, les porte avec une rare et belle émotion, jusqu’aux larmes, arrachant par la même occasion celles d’un public à la fois enchanté et bouleversé par le génie époustouflant de cet artiste fabuleux. Sur scène, il donne tout, ne retient rien et transcende la performance en tant que telle par ses gestes et son regard si captivants, sublimant l’instant, magnifiant le chant, les mots et les silences, pour n’en restituer que l’essence véritable. Bravo, Maestro, et MERCI pour tant de beauté donnée grâce au don véritable de soi, à travers une passion qui exige tout et à laquelle on sacrifie tout, sans état d’âme avec, toujours, la pleine envie de la servir et de lui être fidèle, avant tout. MERCI.
Ce gentleman enchanteur, interprète, comédien et poète a répondu à nos questions :
Qui êtes-vous, Charles Suberville ?
Un homme simple, qui vit.
Comment voyez-vous la vie, rétrospectivement, après toutes ces années aussi riches que palpitantes passées dans le monde du spectacle ?
Je « re-signe » demain, à quelques détails près, si c’était à refaire.
Comment voyez-vous le monde d’aujourd’hui ?
Je répondrai plutôt par une autre question : qu’avons-nous à offrir à nos enfants aujourd’hui ? J’ajouterai qu’il ne faut jamais lâcher la main de l’enfant qu’on a été.
Votre plus grande fierté ?
Ma fille. Elle me dit toujours : « Papa, j’aimerais faire comme toi. Pouvoir vivre de ma passion. » Et elle y est parvenue car elle est aujourd’hui dresseuse de chevaux parmi les meilleurs qui soient dans cette profession.
Votre relation à la scène ?
Sur scène, je me sens chez moi.
Comment se sent-on en sachant que l’on parvient à bouleverser un grand nombre de personnes sur scène, à travers le chant ?
Je suis heureux dans ma vie parce que je fais un métier de rencontres. J’utilise mes armes de communiquant en sachant que le « je » n’existe pas, qu’il est toujours corrélé aux autres. Il faut construire. L’émotion donnée participe de cet élan propre aux rencontres ainsi qu’aux retrouvailles.
Quel est le rêve de votre vie et pensez-vous l’avoir réalisé ?
Il ne faut pas vivre en rêvant, mais vivre de ses rêves. Moi, j’ai la chance d’avoir vécu de la chanson et du spectacle, globalement.
Merci à Yves Géraud pour les photos.
Hello !!!
Bel article mais je ne suis pas surpris.
Au plaisir de te revoir à la Médiathèque ou à l’Atelier et surtout dans le Fort du GALGENBERG pour la nuit des Musées !
Bise
« Copito de Nieve » (Flocon de neige) ou « Le Grand Singe Blanc »
Juan Mayorga, le dramaturge espagnol contemporain, a consacré à « Flocon de neige » une pièce de théâtre où il lui prête un regard et des pensées philosophiques profondes…
Structure béton-composite – 50x40cm – Mo.2017 –
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Merci, cher Mo. Au plaisir.
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